Dans un monde où le numérique occupe une place prédominante, il est impératif de questionner nos usages et d'envisager des pratiques plus raisonnées.
Dans les 2 ouvrages, « Contre l'alternumérisme » de Julia Lainae et Nicolas Alep, et « L'enfer numérique » de Guillaume Pitron, nous sommes invités à une réflexion profonde sur les dérives actuelles du numérique. En dénonçant respectivement une informatisation galopante et les coûts cachés de notre consommation numérique, ces auteurs éclairent les zones d'ombre d'un monde hyperconnecté et posent les bases d'un dialogue nécessaire sur l'usage responsable des outils numériques.
À travers cet article, je souhaite m'appuyer sur leurs critiques constructives afin de vous faire découvrir comment, en tant que professionnels, nous pouvons emprunter une voie plus équilibrée pour exploiter la puissance du numérique, tout en respectant les valeurs humaines et environnementales. Le débat sur un numérique plus raisonné n'est plus une option, mais une nécessité urgente dans notre quête collective d'un avenir durable et inclusif.
1 – Deux ouvrages critiques pour ouvrir les yeux

Dans « Contre l'alternumérisme », Julia Laïnae et Nicolas Alep portent un regard critique sur la numérisation intensive du monde. Ils mettent en évidence le besoin de désinformatiser notre société pour préserver la vie et la liberté humaines. En effet, leur livre se veut une réponse à l’alternumérisme, un courant qui prône une version alternative du numérique, plus humaine et écologique. Ils affirment, cependant, que pour protéger l’essence de l’humanité et de l’écologie, il est crucial de prendre du recul par rapport à l'omniprésence de la technologie dans nos vies. Cette approche est un appel radical à redéfinir nos besoins réels loin des écrans, dans un monde où la technologie se veut omnipotente et omniprésente.
Guillaume Pitron, dans « L'enfer numérique », déconstruit le mythe de la « dématérialisation » et expose les impacts environnementaux souvent ignorés du numérique. Il révèle notamment qu’en 2021, le secteur numérique consomme environ 10 % de l'électricité mondiale et est responsable de près de 4 % des émissions globales de CO2. Cette révélation est d'autant plus frappante quand on réalise que chaque geste numérique, aussi banal qu'un « like » sur les réseaux sociaux, implique une infrastructure gigantesque, depuis les câbles sous-marins jusqu'aux datacenters dans des lieux reculés comme le cercle arctique. Ces informations mettent en lumière le coût caché de nos actions quotidiennes et l’importance de prendre conscience des conséquences réelles de notre consommation numérique.
Pour ma part, je trouve le positionnement du premier livre trop radical et je me retrouve davantage dans les propos de Guillaume Pitron. Cependant, ces 2 ouvrages nous interpellent sur la nécessité d'une prise de conscience collective. Ils nous poussent à nous interroger sur la véritable nature de nos besoins face à l'avancée technologique. Loin de nier les avantages du numérique, ils nous incitent à envisager un modèle plus soutenable, où la technologie est au service de l'humain et non l'inverse. C'est en réalignant nos usages avec nos valeurs fondamentales que nous pourrons envisager un futur où le numérique est à la fois éthique, responsable et respectueux de notre environnement.
2 – Vers un numérique plus raisonné ?
La sobriété numérique, telle qu'elle est définie par des experts comme Frederic Bordage, prône une conception de service numérique neutre et des pratiques qui réduisent l'empreinte carbone, comme l'utilisation d'énergies renouvelables pour alimenter les data centers. Pour y parvenir, on envisage deux principes clés :
- la réduction et la substitution (comme réduire l'usage d'objets connectés et l'éco-conception des équipements)
- la longévité, en prolongeant la durée de vie des équipements numériques.
Dans la pratique, cela signifie mettre en place des stratégies RSE, sensibiliser les collaborateurs sur l’usage raisonné des équipements et des services numériques, réduire la consommation de streaming, favoriser le développement de produits éco-conçus et promouvoir l'achat d'équipements de seconde main. Un outil utile dans cette démarche est le Sterm du Shift Project, qui évalue la pertinence énergétique de solutions connectées.
Il est également crucial de changer les comportements en entreprise et en société pour améliorer le bilan carbone en produisant moins et en prolongeant la durée de vie des appareils existants. Des initiatives non connectées, telles que les essais de Frédéric Bordage, les rapports de The Shift Project et les ateliers de La Fresque du Numérique, aident à sensibiliser et à guider les entreprises vers une transition durable.
Enfin, adopter des bonnes pratiques telles que l'optimisation de l'utilisation des ressources, la mesure de l'impact environnemental, le choix de solutions techniques durables et la collaboration avec les fournisseurs pour une pérennité programmée sont des étapes essentielles pour déployer une politique numérique durable.
3 – L’impact positif d’un usage responsable du numérique
Dans le sillage de la critique constructive du numérique, se profile une approche qui allie technologie et responsabilité, ouvrant la voie à des impacts positifs indéniables. Ces bénéfices touchent divers aspects de nos vies professionnelles et personnelles, et se reflètent dans les initiatives d'entreprises innovantes.
Sur le plan social et culturel d'entreprise
Prendre en compte l'impact sociétal du numérique va au-delà de la simple gestion des déchets électroniques. L'Human for IT, par exemple, met l'accent sur la réduction de l'empreinte économique et sociale à travers des actions concrètes comme celles de la Société Générale en France. En plus de recycler 27 084 matériels et de réemployer 14 418 terminaux, la banque a lutté contre le décrochage scolaire en équipant des jeunes défavorisés de matériel informatique pendant la crise Covid-19. Parallèlement, l'IT for Human favorise l'inclusion, la protection des données et l'accessibilité, en tenant compte des individus les plus fragiles, comme l'illustre le réseau Good Electronics qui milite pour les droits humains et la durabilité dans la chaîne d'approvisionnement mondiale de l'électronique.
En faveur de l'évolution des modèles de management
L'adoption d'un numérique responsable peut, selon Rosé et Delattre (auteurs de l’ouvrage « RSE et Numérique »), accélérer le rythme de transformation sociale en synchronisant les évolutions technologiques, économiques et sociales. Cela nécessite une refonte des compétences, une flexibilité des processus et une culture d'entreprise centrée sur la communication transparente et l'autonomie des collaborateurs. Ce changement de paradigme favorise non seulement la performance sociale mais s'aligne également avec les objectifs de développement durable et la vision RSE des entreprises.
Réduction des coûts et écoconception
Le numérique responsable, loin d'être un poids financier, permet de réduire les coûts grâce à l'écoconception. Cette dernière, en tenant compte des besoins-utilisateurs, optimise les ressources et réduit les dépenses énergétiques.
Le DSA-DMA (réglementation européenne de 2023 visant à protéger les droits fondamentaux des européens en matière de données personnelles et d’éthique) souligne également l'importance de respecter davantage l'être humain dans le déploiement des technologies numériques.
Cas pratiques d'entreprises innovantes
- norsys a défini sa raison d'être comme la conception de solutions numériques éthiques pour contribuer positivement au monde, en créant un conseil éthique et en lançant un projet de neutralité carbone. Cette entreprise est d’ailleurs dirigée par Sylvain Breuzard, créateur du modèle de La Permaentreprise, inspirée de la permaculture.
- Digitaleo a mis l'humain au cœur de ses activités, améliorant le bien-être au travail et encourageant le développement professionnel, ce qui a abouti à une reconnaissance par le Happy Index at work.
- Spécinov a adopté l'écoconception pour ses applications web et mobiles, réduisant ainsi l'impact environnemental tout en maintenant la qualité d'usage.
- CELESTE a révolutionné ses datacenters, en économisant 35% d'énergie par an grâce à une conception qui favorise le refroidissement naturel.
- AMA XpertEye, en proposant des solutions de téléassistance innovantes, a permis de réduire les déplacements et, par conséquent, les émissions de GES, avec chaque paire de lunettes connectées évitant en moyenne 1 tonne équivalent CO2 par mois.
Ces quelques exemples illustrent que l'adoption d'un numérique responsable peut déclencher une cascade d'effets positifs, de la réduction des empreintes écologiques à l'amélioration de la qualité de vie des employés, tout en renforçant l'efficacité opérationnelle et la réputation des entreprises. C'est une stratégie gagnante pour tous : entreprises, collaborateurs, clients, et la société dans son ensemble.
4 – Engageons-nous pour un numérique raisonné
Le parcours vers un numérique raisonné est jalonné de défis, mais aussi d'opportunités. Il nous invite, en tant que professionnels, à prendre part activement à cette transformation. Voici quelques actions concrètes à considérer :
- Lancement d'une campagne de sensibilisation sur LinkedIn : utilisez votre réseau professionnel pour diffuser des informations sur les pratiques numériques responsables. Partagez des articles (comme celui-ci par exemple 😊), des études de cas, et engagez la conversation autour de la sobriété numérique.
- Participation à des ateliers et formations : investissez dans la formation continue de vos équipes. Des ateliers comme la Fresque du Numérique peuvent offrir une prise de conscience collective et des outils pour agir (déjà animateur de la Fresque de la RSE, je suis moi-même en train de me former pour devenir animateur de la Fresque du Numérique).
- Collaboration et partage d'expériences : créez ou rejoignez des groupes de discussion pour échanger sur les meilleures pratiques, les innovations, et les défis associés au numérique raisonné.
- Appel à l'action pour l'adoption de pratiques durables : encouragez vos pairs à mettre en œuvre des actions concrètes, telles que l'écoconception, la gestion responsable des déchets électroniques, et la réduction de l'empreinte carbone digitale.
- Mise en place de politiques internes : implémentez des politiques d'entreprise qui favorisent un usage raisonné des ressources numériques, le droit à la déconnexion, et l'achat d'équipements éco-responsables.
Cet engagement est un appel à créer un avenir numérique qui respecte non seulement l'environnement, mais aussi les valeurs humaines fondamentales, telles que l'inclusion, l'équité et la dignité. C'est en unissant nos forces et en partageant nos connaissances que nous construirons un cadre numérique plus responsable et durable pour tous.
Conclusion
L'adoption d'un numérique plus raisonné est un impératif pour notre époque. Face à l'urgence environnementale et aux défis sociétaux, une refonte de nos pratiques numériques est cruciale. Les bénéfices d'une telle démarche sont multiples : réduction de l'empreinte écologique, amélioration du bien-être social et renforcement des performances économiques. Il est temps d'agir collectivement pour intégrer la responsabilité numérique au cœur de nos stratégies. Continuons le dialogue, partageons nos succès et nos apprentissages, et œuvrons ensemble pour un avenir où le numérique s'allie harmonieusement avec nos aspirations à un monde plus durable et juste.
Je terminerai par citer un passage du livre de Guillaume Pitron qui résume parfaitement ce que je pense aujourd’hui sur les enjeux liés à nos usages du numérique :
Pour aller plus loin
- Sobriété numérique : définition, concept et impacts
- Déployer la sobriété numérique (The Shift Project)
- 8 raisons d’intégrer le numérique responsable dans votre stratégie RSE
- DSA et DMA : vers une souveraineté numérique européenne
NB : Certaines informations de cet article ont été générées avec le support d’une intelligence artificielle générative. Cette approche s’inscrit dans ma propre R&D visant à explorer les opportunités offertes par l’IA pour améliorer mes offres de services, mes pratiques et celles de mes clients.
